[Document du mois] Don d'un manuscrit d'Alexandre Soljénitsyne : "Caractéristiques de deux révolutions"
A l’occasion du centenaire de la naissance d’Alexandre Soljenitsyne (1918), une exposition de manuscrits et de documents lui appartenant s’est tenue à Paris, à l’ombre de la coupole du Panthéon. A cette occasion, Natalia Dmitrievna, sa veuve, distingua particulièrement l’Institut de France et sa bibliothèque en leur offrant le manuscrit d’une longue étude intitulée Черты двух революций [Caractéristiques de deux révolutions]. Le geste de Natalia Soljenitsyne ne fut pas le fruit du hasard : elle conserve en effet le souvenir d’avoir passé, avec son mari, « beaucoup de journées heureuses » dans « une ville [Paris] où eurent lieu les premières publications en russe de tout ce que Soljenitsyne écrivit pendant ses vingt années d’exil forcé, et où, presque immédiatement après, paraissaient les éditions françaises de ses livres dans des traductions magnifiques ». Sa libéralité nous permet de nous enorgueillir de posséder, dans nos collections, le seul manuscrit autographe d’une œuvre de l’écrivain conservé hors du sol russe.
Pendant son long labeur consacré à l’épopée La Roue rouge, alors qu’il étudiait l’histoire de la révolution de Février en Russie, Soljenitsyne constamment se heurtait à l’enthousiasme de ses personnages historiques au sujet de la Révolution française : « Elle était leur délire commun ». Il entreprit de l’étudier de plus près. Un travail qui fit naturellement naître le désir d’observer les ressemblances des deux révolutions, et aussi leurs différences. Dans le Journal de R-17, Soljenitsyne nota, le 21 juillet 1984 : « Ma lecture de la Révolution française, je crus tout d’abord pouvoir la parachever en rédigeant une simple – quoique longue – entrée dans mon Journal. Mais ça faisait une singulière masse d’observations, et elles pouvaient avoir leur intérêt pour les Russes comme pour les Français. Alors je me décidai : m’essayer à rédiger un article. C’était un genre inhabituel pour moi, et encore imprécis. Une rude tâche. »
L’article en question, dont nous présentons ici le premier des dix-sept feuillets, a été traduit en 2018 par Georges Nivat et publié sous le titre « Deux révolutions : la française et la russe ».