[Document du mois] Raphaël Trichet du Fresne, « Icones quarumdam plantarum »
Raphaël Trichet du Fresne, Icones quarumdam plantarum
Ms 999
Raphaël Trichet du Fresne, est né à Bordeaux le 27 avril 1611, et mort à Paris et le 4 juin 1661. Son père était Pierre Trichet, avocat du Parlement de Bordeaux, connu pour son cabinet de curiosités et son Traité des instruments de musique. Après des études au Collège de Guyenne à Bordeaux, le jeune homme travaille pour Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, qui le charge d’acquérir des œuvres d’art ce qui l’amène à se rendre à Rome où il se lie avec le cercle des artistes français réunis autour du peintre Sébastien Bourdon. De retour à Paris vers 1640, il se voit offrir par le cardinal de Richelieu un poste de censeur à l’Imprimerie Royale. Il rencontre alors Nicolas Poussin. Sa publication du « Trattato della pittura » de Leonard de Vinci, en 1651, le fait connaître et il est recruté par la reine Christine de Suède comme bibliothécaire et conservateur. Il suit la reine à Rome après l’abdication de cette dernière en 1654, puis revient à Paris où il devient bibliothécaire de Fouquet puis de Colbert. Sa riche bibliothèque personnelle a été achetée par Colbert pour la Biblothèque royale. Sa collection de tableaux, principalement italiens, a été dispersée.
Lorsque qu’il réalise cet amusant petit volume, Raphaël Trichet n’a que onze ans ainsi que l’indique la ligne écrite de sa main sur la page de titre : "a Raphaële Trichetum delineatum anno etatis undecimo 1622" (dessiné par Raphaël Trichet à l’âge de onze ans). Ce petit manuscrit est un traité de pharmacopée plutôt qu’un ouvrage de botanique, d’où la vignette imprimée, coloriée et collée sur la page de titre par l’enfant, qui représente saint Damien, patron des pharmaciens, émergeant d’une mandragore, plante mythique relevant de la magie autant que de la médecine.
L’ouvrage ne contient des illustrations de plantes choisies pour leur usage médicinal et non pour leurs qualités ornementales. On y trouve des dessins d’arbres et arbustes (peuplier, arbousier, buis), de fruits (noix), de légumes (artichauts), de céréales (orge), de champignons et de racines (galanga proche du gingembre), accompagnés de leurs noms latins. Raphaël Trichet ne donne pas le nom vernaculaire de la plante sauf pour le muguet pour lequel il fait une faute d’orthographe : « Lilium convallium aut vernum theophrasti Ord Muget », lys de la vallée ou fleur printanière de Théophraste, en français muguet ; Théophraste était un philosophe et un botaniste athénien.
Il est probable que ces illustrations n’aient été pas toutes exécutées d’après nature mais recopiées dans divers ouvrages ce qui expliquerait les variations de style. Pour représenter la lentille d’eau, comme on le lui avait sans doute demandé, l’écolier n’a pas trouvé de modèle et a donc dessiné, non sans humour, un château avec des douves où des cygnes maladroitement croqués, se nourrissent de… lentilles d’eau simplement représentées par de petits ronds. Cette pochade n’a pas du plaire puisque le titre « lens palustris » a été effacé.
On imagine la lassitude du jeune garçon en découvrant au pied d’une illustration sérieuse du « fungus rugosus », autrement dit la morille, un minuscule personnage chapeauté ou, au pied d’un arbousier, un amusant petit lapin.