[Document du mois] Bicentenaire de la fondation de l’Ecole des chartes (22 février 1821)
Créée en 1821, l’Ecole nationale des Chartes est un grand établissement d’enseignement supérieur rattaché depuis 2010 à l’Université Paris Sciences et Lettres (PSL), aux côtés d’établissements prestigieux tels le Collège de France. A l’heure de fêter son deux-centième anniversaire, l’EnC conserve une réputation d’excellence en même temps qu’une place à part dans le paysage académique et universitaire européen qu’explique l’originalité de ses enseignements fondamentaux, jadis qualifiés de « sciences auxiliaires de l’histoire », auxquels s’ajoute désormais une formation de pointe aux Humanités numériques et autres archives digitales : paléographie, philologie, archivistique, diplomatique, histoire du droit et des textes littéraires, histoire du livre et des medias, codicologie, archéologie et histoire de l’art forment un bouquet de disciplines où la critique interne et l’analyse de première main constituent un préalable érigé en méthode.
De fait, l’ambition de cette grande Ecole au service de la préservation et de la valorisation du Patrimoine national a été dès l’origine de former des professionnels capables de recourir aux sources écrites et aux matériaux bruts de l’activité humaine pour documenter leur objet d’étude - sans préjuger de la forme ni du contenu de ces témoins matériels, parfois très humbles, qui permettent à terme d’écrire l’histoire. Qu’ils exercent en qualité de conservateurs du patrimoine ou des bibliothèques, ou encore comme enseignants-chercheurs, les archivistes paléographes partagent cette culture commune du « goût de l’archive » (l’expression est empruntée à l’historienne Arlette Farge), nourrie de la fréquentation assidue des fonds placés sous leur responsabilité et de leur familiarité avec l’objet patrimonial, dans son acception la plus large.
La bibliothèque de l’Institut de France, depuis la création de l’EnC, compte un nombre important de chartistes parmi ses directeurs et conservateurs - à commencer par Marcel Bouteron (1877-1962, promotion 1905), qui fut par la suite promu premier directeur de la nouvelle Direction des bibliothèques de France et de la lecture publique à la fin de sa carrière, en 1945-1946. Ce grand érudit publia une édition critique des Œuvres complètes et de la Correspondance de Balzac en compagnie d’Henri Longnon (1882-1964, promotion 1904), son confrère archiviste de l’Académie française, lequel avait également débuté sa carrière comme auxiliaire à la bibliothèque de l’Institut : on y trouve d’ailleurs son diplôme d’archiviste paléographe, imprimé sur vélin (Ms. 8516), où se remarque la signature du savant médiéviste Léopold Delisle (1828-1910, promotion 1849), autorité incontestée dans le domaine de l’étude des manuscrits, qui présida aux destinées de la Bibliothèque nationale de 1874 à 1905 en tant qu’administrateur général.
Comme la majorité de ses confrères correspondants ou académiciens, c’est à l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres que Delisle fut élu (en 1859). Ce fut aussi le cas de Ferdinand Lot (1866-1952, promotion 1890), membre des IBL en 1924, dont la Bibliothèque de l’Institut conserve d’attachants cahiers de jeunesse renfermant ses notes prises durant les cours d’archéologie du comte Robert-Charles de Lasteyrie (1849-1921, promotion 1873), donnés à l’Ecole des chartes en 1888-1889 (Ms. 7254-2). Citons encore le propre frère d’Henri Longnon, Jean (1887-1979, promotion 1909) éminent bibliothécaire du musée Condé à Chantilly de 1954 à 1966. Ses papiers ont été acquis par la bibliothèque de l’Institut en 2012.
L’Académie française réserva enfin, à l’occasion, un bon accueil à quelques chartistes – François Mauriac en 1933 (Mauriac avait cependant renoncé à poursuivre sa scolarité à l’Ecole l’année suivant son intégration), et plus récemment le philosophe René Girard (1923-2015, promotion 1947), élu au fauteuil 37 en 2005.